Quand le mal de dos persiste malgré l’activité physique et la rééducation
C’est une situation plus fréquente qu’on ne le pense.
Des personnes actives, engagées dans leur santé, continuent à ressentir des douleurs au dos malgré le sport, malgré la rééducation, malgré les efforts fournis.
Il ne s’agit pas d’un échec de l’activité physique ni de la kinésithérapie.
Bien souvent, ces approches ont permis de traverser une phase aiguë, de retrouver de la mobilité, parfois de la force.
Mais il arrive que quelque chose persiste.
Le dos n’est pas toujours la cause
Lorsque la douleur s’installe, le regard se porte naturellement sur la zone douloureuse.
Or, dans mon expérience, le dos est très souvent le lieu d’une compensation, plus que l’origine du problème.
Un dos douloureux n’est pas un dos qui travaille trop.
C’est un dos qui subit un déséquilibre global.
Il devient le carrefour de plusieurs chaînes musculaires qui prennent le relais de la stabilisation profonde lorsque celle-ci n’est pas suffisamment organisée.
Des muscles comme les grands dorsaux, le psoas ou les trapèzes — pourtant conçus pour accompagner le mouvement — sont alors sollicités en permanence pour soutenir le corps, au détriment de la mobilité et de la fluidité.
La douleur apparaît alors comme un signal, pas comme une faute.
Une question d’organisation plus que de force
Beaucoup de personnes ont déjà renforcé leur dos.
Elles sont parfois solides, endurantes, engagées dans le mouvement.
Mais la force, à elle seule, ne garantit pas une bonne organisation.
Un corps peut être fort… et pourtant mal réparti.
Ce que j’observe le plus souvent, c’est une difficulté à distribuer l’effort.
Le dos prend trop de place, parce que d’autres zones — les appuis, les articulations, le tronc profond — sont peu présentes dans l’organisation globale.
Le rôle du schéma corporel
Le cerveau ne perçoit pas le corps de manière homogène.
Certaines zones sont très présentes dans le schéma corporel — les mains, la bouche, le visage —
d’autres beaucoup moins.
Le tronc, les hanches, les articulations profondes et les appuis au sol sont souvent peu différenciés.
Quand cette image interne est floue, le corps s’organise comme il peut.
Dans ce contexte, le dos — central et très mobile — devient un point de compensation privilégié.
Le centre de gravité comme indicateur d’organisation
Dans un corps bien organisé, le centre de gravité est clair.
Il est senti, disponible, capable de se déplacer sans effort excessif.
Lorsque ce centre est mal perçu, le corps cherche à le contrôler autrement.
Très souvent, c’est le dos qui prend ce rôle : il se rigidifie, se surcharge, tente de “tenir” l’équilibre à la place du reste du corps.
Ce n’est pas un défaut.
C’est une stratégie.
Le travail que je propose ne consiste pas à placer le centre de gravité, mais à permettre au corps de le retrouver naturellement, en affinant la sensation du squelette, des articulations et des appuis.
Quand le centre de gravité devient plus clair, l’effort se répartit.
Le dos peut cesser d’être un point de fixation.
L’organisation devient plus fluide, plus stable, plus économique.
Redonner de la sensation pour changer l’organisation
Mon travail ne consiste pas à corriger une posture ou à imposer un “bon placement”.
Il consiste d’abord à redonner de la sensation.
Sensation du squelette.
Sensation des articulations.
Sensation des appuis.
Lorsque le cerveau retrouve une image plus précise du corps, l’organisation change d’elle-même.
Le mouvement devient plus simple, les compensations s’atténuent, le dos cesse de porter ce qui ne lui revient pas.
On ne peut pas se tenir dans un corps que l’on ne sent pas
Tant que le corps est peu perçu, on lui demande de se tenir par la volonté.
Et cet effort ne peut pas tenir dans le temps.
Quand le schéma corporel s’enrichit, quand le centre de gravité devient plus lisible, le corps trouve d’autres répartitions, d’autres soutiens.
La posture devient alors une conséquence, pas un objectif.
Une approche complémentaire à la rééducation
Le Pilates, tel que je l’enseigne, ne remplace pas la rééducation.
Il s’inscrit souvent après, ou en complément, lorsque la phase aiguë est passée.
Il permet d’intégrer ce qui a été rééduqué, de redonner de la cohérence au mouvement global, et d’accompagner le corps vers une organisation plus stable et durable.
En conclusion
Quand le mal de dos persiste malgré l’activité physique et la rééducation, il ne s’agit pas nécessairement de corriger davantage.
Il s’agit souvent d’affiner l’organisation.
Enrichir le schéma corporel, redonner de la sensation, clarifier le centre de gravité et permettre au corps de mieux se répartir :
c’est ainsi que j’aborde la question du dos en Pilates.
Quand le corps est mieux perçu, il s’organise mieux.
Et la posture devient une conséquence.
