Mouvement, cerveau et neuroplasticité

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Déc

Bouger pour penser mieux : comment l’exercice transforme durablement le cerveau

Pendant longtemps, j’ai cru que comprendre le corps passait avant tout par l’analyse :
observer, corriger, renforcer, stabiliser.

Comme beaucoup, je pensais que le cerveau dirigeait et que le corps suivait. Que le mouvement était une conséquence — un moyen d’entretenir le corps, de soulager une douleur ou de se renforcer.

Et puis, à force de pratiquer, d’enseigner et d’observer des corps très différents, une évidence s’est imposée :
ce n’est pas seulement le cerveau qui influence le corps.
C’est le mouvement qui transforme le cerveau.

Pas de manière abstraite.
Pas symboliquement.
Mais concrètement, physiologiquement, mesurablement.

Le cerveau est profondément incarné

Les neurosciences confirment aujourd’hui ce que les pratiques corporelles pressentaient depuis longtemps : le cerveau ne fonctionne pas isolément. Il est en dialogue permanent avec le corps.

Deux structures cérébrales sont centrales dans ce dialogue :

  • Le cortex préfrontal, impliqué dans la concentration, l’attention, la prise de décision et la régulation émotionnelle.
  • L’hippocampe, structure clé de la mémoire à long terme et de l’apprentissage.

Ces deux régions sont particulièrement sensibles… au mouvement.

Ce que le mouvement fait immédiatement au cerveau

Dès une seule séance d’activité physique, le cerveau entre dans un état neurochimique favorable :

  • augmentation de neurotransmetteurs comme la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline,
  • amélioration rapide de l’humeur,
  • meilleure capacité de concentration pendant plusieurs heures,
  • temps de réaction plus rapide.

Ce que beaucoup décrivent comme un “esprit plus clair” après une séance n’est pas une impression subjective : c’est un état neurobiologique transitoire, mais réel.

Les effets durables : quand le mouvement change la structure du cerveau

Lorsque le mouvement devient régulier, ses effets s’inscrivent dans le temps.

Les recherches montrent que l’activité physique :

  • augmente le volume de l’hippocampe,
  • stimule la neuroplasticité,
  • améliore la mémoire et certaines fonctions exécutives.

Autrement dit, le cerveau s’adapte au mouvement qu’on lui propose. Il se reconfigure en fonction de l’expérience corporelle répétée.

Le Pilates : un mouvement qui sollicite le cerveau autrement

Toutes les activités physiques ne sollicitent pas le cerveau de la même manière.

Le Pilates se distingue par une caractéristique essentielle :
il ne repose pas sur la répétition automatique, mais sur l’attention portée au mouvement.

Dans la méthode Pilates :

  • la respiration soutient l’action,
  • le centre organise le geste,
  • le mouvement est précis, coordonné, conscient.

Cette combinaison mobilise fortement le cortex préfrontal — celui de l’attention, de l’organisation et de la régulation — tout en engageant le corps dans une action structurée.

Le cerveau n’est pas seulement “activé” par l’effort ; il est impliqué dans la coordination, l’ajustement et la perception.

Mouvement organisé et clarté mentale

Ce que l’on observe fréquemment en pratique est frappant :
des personnes viennent pour leur dos, leur posture ou leur respiration… et repartent avec une sensation de clarté mentale.

Ce n’est pas un effet secondaire anecdotique.

Lorsque le corps retrouve une organisation plus juste — appuis, respiration, continuité du mouvement — le système nerveux sort progressivement d’un mode de compensation ou de vigilance excessive.
L’attention se pose.
La charge mentale diminue.

Le mouvement organisé devient alors un support de régulation neurologique.

Un rôle protecteur à long terme

L’un des apports majeurs de l’activité physique concerne son rôle protecteur sur le cerveau.

Avec l’âge, le cortex préfrontal et l’hippocampe sont parmi les premières régions à décliner. L’exercice régulier ne guérit pas les maladies neurodégénératives, mais il renforce ces structures, retardant l’apparition de leurs effets.

On peut ainsi considérer le mouvement comme une réserve fonctionnelle :
plus le cerveau est sollicité de manière riche et cohérente, plus il résiste.

Pas de performance, mais de la régularité

Ces bénéfices ne sont pas réservés aux sportifs de haut niveau.

Les données convergent vers des recommandations simples :

  • bouger régulièrement,
  • plusieurs fois par semaine,
  • avec une intensité suffisante pour engager le système cardio-respiratoire.

Dans ce cadre, le Pilates — lorsqu’il est pratiqué avec engagement, respiration et précision — s’inscrit pleinement comme une activité favorable au cerveau, en particulier pour celles et ceux qui recherchent un mouvement intelligent, soutenable et durable.

En conclusion

Bouger n’est pas seulement bon pour le corps.
C’est l’un des leviers les plus puissants que nous ayons pour influencer notre cerveau.

Le mouvement améliore l’humeur, soutient la concentration, renforce la mémoire et protège le cerveau dans le temps.
Lorsqu’il est organisé, conscient et respiré — comme dans le Pilates — il devient un véritable outil de transformation neurologique.

Bouger, ce n’est pas “faire du sport”.
C’est créer les conditions d’un corps plus cohérent et d’un esprit plus clair.tes les plus puissants que nous ayons pour transformer durablement notre cerveau.

Joseph Pilates l’avait déjà formulé avec justesse en définissant sa méthode comme une pratique intégrée du corps, de l’esprit et de l’attention.

Bibliographie scientifique – Mouvement, cerveau et neuroplasticité

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